A propos

Depuis 2014, je réalise des documentaires et j’aime partager mon expérience avec des publics multiples (collèges, lycées, associations, jeunes déscolarisés, détenus…) en faisant toujours avec eux, en les accompagnant dans un processus créatif. Je conçois et fabrique aussi des projets audiovisuels sur des sujets liés à la solidarité, à la résilience et aux enjeux de la société civile.

Je fais tout avec la même passion et un engagement fort. J’aime plonger dans les projets et l’univers d’autrui et en sortir enrichie. Je travaille en plusieurs langues (français, allemand, anglais et un peu en bosnien-croate-serbe). A cheval sur les frontières depuis ma naissance, je me sens à l’aise au croisement des identités et des chemins.

Historienne de formation, j’ai acquis un goût pour la réflexion intellectuelle et la méthode. J’ai travaillé pour des ONG pendant vingt ans, passant beaucoup de temps dans les pays d’Europe de l’Est et ailleurs. Cette expérience m’a façonnée. Elle m’a donné la capacité d’agir et elle a fait naître en moi une compréhension de la fragilité des choses.

En 2011, j’ai suivi une formation en réalisation documentaire aux Ateliers Varan, puis en 2014 une formation en montage et en son à l’École des Gobelins. En 2019, je me suis perfectionnée en techniques de prise de vue (diverses caméras et appareils photos). Ceci me permet de conduire mes projets audiovisuels de manière autonome, de la conception au montage.

Quel que soit l’état d’avancement de votre projet, n’hésitez pas à me contacter, j’en discuterai volontiers avec vous !

post@juliebiro.eu

© Fleur Dago’rn (@fleurdagorn)

Membre du réseau Memory Lab

Toutes les initiatives collectives, interdisciplinaires en lien avec les Balkans me nourrissent. Je participe avec un plaisir constant depuis des années à Memory Lab, un réseau d’échanges européens sur la manière de raconter, de transmettre (par l’écrit, la muséographie ou par l’image) les crimes de masse du XXème siècle. Chaque année, nous visitons ensemble un pays afin d’explorer comment il raconte et assume son histoire. Au sein de Memory Lab, je ne filme pas. Je prends des photos, je discute, j’échange, j’enquête. Je me ressource.

http://www.memorylab-europe.eu/

Pourquoi soudainement les images ? (Dossier de candidature, Ateliers Varan, 2011)

©Milomir Kovacevic, 2011.

Comment expliquer la naissance du désir de raconter une histoire avec les voix et les paroles d’autrui, moi en silence ? Moi qui ai tant besoin d’exister, comment en suis-je arrivée à m’intéresser aux autres, aux silencieux, aux invisibles, aux ombres, aux insignifiants, aux discrets, aux timides ? Comment et où ai-je appris à scruter, décrypter les visages, à tenter de comprendre tout ce qu’ils taisent ? Et comment ai-je appris à les écouter, à les accompagner dans leurs récits, à les encourager à chercher plus profondément encore ce qu’ils n’ont jamais dit ?

Peut-être le moment de raconter est il simplement venu, après 15 ans d’expérience professionnelle dans les ONG. Voici quelques pistes pour comprendre ce qui me conduit à vouloir suivre un atelier de réalisation documentaire et me lancer dans cette aventure dont je n’avais jamais eu l’idée jusqu’au mois d’avril dernier. Et pourtant, à présent que je tiens cette envie fermement dans ma main, elle m’irrigue d’une douce chaleur.

Ce que je sais, d’abord, c’est que ma famille a été profondément traversée par les déchirements européens du XXème siècle et que je les porte en moi. Sans remonter plus loin que deux générations, mes grands-parents sont nés dans des villes qui ont depuis changé de nom et de pays : Nagyvárad / Oradea (Hongrie – Roumanie), Königsberg / Kaliningrad (Allemagne – Russie) et qu’ils ont quittées dans des conditions douloureuses. Mes parents eux aussi ont quitté, enfants, leurs villes natales pour l’Ouest (Berlin Est vers Hambourg pour ma mère, Budapest vers Genève pour mon père).

Et moi, je suis ce qu’on aurait appelé à l’époque totalitaire une « Mischlinge ». Je ne suis rien totalement : à demi-Juive, à demi-Allemande, à demi-Hongroise, Française (jusqu’au bout des ongles paraît-il et pourtant sans racine ici, par hasard, et avec le sentiment que ce passeport est usurpé). Je suis et serai toujours à moitié quelque chose, assise sur les frontières, en particulier celles qui sont issues de conflits, à chercher à les enjamber sans arrêt et à les faire traverser par ceux qui en ont peur. J’ai un rapport étrange aux identités et je suis allergique à l’idée de pureté.

Ce dont j’ai pris conscience a posteriori, c’est que j’ai eu besoin d’explorer l’ailleurs, le totalement étranger. Si j’ai plongé sans tout saisir dans la lutte contre la purification ethnique en Bosnie en 1992 grâce à des amis, c’est en revanche délibérément que j’ai fait le choix au cours de mes études d’histoire de plonger dans un monde qui m’était inconnu : l’histoire des colonisations et décolonisations africaines qui a, un peu naïvement sans doute, nourri mon indignation face aux injustices, et mon engagement pour la cause des pauvres et des impuissants (également nourrie par le parcours universitaire et militant de mon compagnon pour la cause indépendantiste kanake). En septembre 1995, je me suis inscrite en maîtrise avec un professeur d’histoire spécialiste du Rwanda. Il était épuisé, il écrivait et publiait sans arrêt, il était effondré par le génocide rwandais qui venait de se produire sous ses yeux. J’ai eu immédiatement envie de travailler avec lui pour comprendre quelque chose à ce génocide contemporain. Génocide rwandais, purification ethnique en Bosnie-Herzégovine, les fantômes de la deuxième guerre mondiale. On y est.

Ce que je sais enfin, c’est que dans mon poste de responsable des Balkans pour une ONG française assez atypique, j’ai pris un plaisir profond à explorer pendant 9 ans plusieurs pays, non pour les comprendre intégralement dans une perspective géopolitique, mais pour plonger dans les histoires individuelles de certaines personnes qui ont pris des décisions insensées dans des moments où leur monde s’effondrait. J’ai ensuite glissé vers des gens plus ordinaires, moins habitués à discuter avec les étrangers. J’ai aimé venir, revenir, me situer dans un temporalité longue, devenir familière de gens, passer du temps à tenter de les comprendre. J’ai aimé ce que l’on appelle dans notre jargon les « missions ». Immergée dans le pays, dans leur réalité, être d’une disponibilité totale. Tous mes sens en alerte. Amener mes interlocuteurs sur des terrains plus intimes que ce qu’ils ont l’habitude de raconter aux ONG étrangères. Il s’agissait pour moi de réussir à atteindre une sincérité du dialogue, à voir surgir l’émotion. J’ai beaucoup aimé provoquer des rencontres entre des gens qui n’en auraient pas eu l’idée, car situés de deux côtés « ennemis » et dont je sentais pourtant qu’ils ont des choses fortes en commun : les réunir, expérimenter la rencontre en leur faisant traverser des frontières interdites et observer ce qu’elle produit, mais aussi ce que fait surgir le déplacement de « l’autre côté », discrètement, ce que cela entraîne dans la perception de l’autre comme de soi.

Pourquoi partir sur d’autres chemins alors que je me suis tant plue dans mon métier ?

Pendant longtemps, j’ai eu besoin d’appartenir à une association, de sentir que je faisais corps avec une structure, que son logo était sur ma carte de visite, que j’appartenais à un groupe, pleinement. La marge immense d’expérimentation que j’ai eue dans mon poste a fait naître en moi l’envie de partager mes expériences fortes, de rendre publiques mes émotions, de faire connaître des situations oubliées. Mais je ne suis pas une solitaire. J’aime travailler en équipe, c’est là que je suis inventive et pleine d’idées, en construisant, échangeant, au cours de débats contradictoires, réfléchissant avec d’autres. Et la réalisation d’un film est aussi pour moi une aventure collective.

Lorsque je m’imagine me lancer dans cette aventure, je suis bien sûr portée par l’idée de raconter une histoire. Mais je ressens aussi une excitation quasi-physique, comme un picotement, face à la perspective de fabriquer un film, cet objet artistique qu’il faut façonner : écrire une histoire pour la mettre en images et en mouvement, jouer sur les distances, choisir l’ordre des séquences, les agencer, choisir les musiques, les sons, introduire du silence, jouer avec les langues et les accents. M’imaginer fabriquer un film du début à la fin fait étrangement écho à une scène très familière de mon enfance :

Nous sommes sur le point de passer à table. Mon père éditeur rentre du travail avec un livre en construction. Et il ouvre devant nous son carton, ou sa pochette, son sac en plastique, il déballe le tout (parfois juste un bout, parfois un livre tout blanc, parfois des épreuves) et nous demande notre avis : les couleurs de la couverture, la police, l’agencement de la couverture, avec ou sans jaquette, et la maquette, qu’en pensons-nous ? et le titre, et la quatrième de couverture ? La fabrication du livre fait partie de notre cuisine, elle s’immisce dans notre quotidien, je suis pas à pas la conception d’un livre, depuis l’idée jusqu’à la librairie. Je me souviens que j’aimais l’odeur du papier. Je me souviens aussi de mon envie de donner mon avis, de participer au choix mais tout en restant un peu à distance — c’était la passion de mon père.

A présent que l’idée de réaliser un film, forcément documentaire tant j’ai envie de saisir et de partager des bouts de réel, est née, je retourne à cette excitation enfantine à l’idée que je puisse fabriquer quelque chose étape par étape et utiliser mon goût artistique comme je ne l’ai jamais fait jusqu’à présent.